Mort d'un jeune bovin suite à une anesthésie générale mal maîtrisée

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Mort d'un jeune bovin suite à une anesthésie générale mal maîtrisée

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  • Troupeau de bovins sous les arbres dans un champs verdoyant - La Prévention Médicale

Une bonne maîtrise des pratiques d’anesthésie générale en médecine vétérinaire est requise, en particulier quant à la pertinence de l’indication et la surveillance. Si elle est enseignée désormais de manière adaptée en formation initiale, elle doit faire l’objet d’une remise à niveau régulière pour tout professionnel. En cas de non maîtrise, il faut savoir déléguer à plus expérimenté que soi.

Auteur : le Dr Michel Baussier, Docteur vétérinaire / MAJ : 04/02/2025

Cas clinique

L’anesthésie générale est motivée par une opération de castration sur un gros veau gascon de 300 kg.

Une injection intramusculaire de 3 ml de Rompun® (ND), médicament à base de xylazine (2 %), est réalisée.

Comme le décubitus n’est pas intervenu 20 mn plus tard, et pour cette seule raison, une injection intraveineuse de 3 ml d’Imalgène® 1000 (ND), médicament à base de kétamine (10 %), est réalisée. Le décubitus intervient immédiatement.

L’intervention s’effectue normalement et rapidement. Une injection de sérum antitétanique est effectuée. L’animal est repositionné en décubitus sternal. À cet instant, c’est-à-dire 10 mn après l’injection de kétamine, la mort de l’animal est constatée.

Il s’agit incontestablement d’un événement indésirable grave (EIG). En responsabilité civile professionnelle, le comportement du praticien a été considéré comme fautif et l’éleveur a été indemnisé.

Ce cas illustre un déficit de connaissance et de maîtrise de l’anesthésie générale en pratique des animaux de rente, ici concernant un jeune bovin. L’intervention était en effet initialement prévue sous sédation poussée, la xylazine pouvant exercer chez les bovins, à la dose utilisée (qualifiée de dose III sur une échelle de I à IV), à la fois un effet sédatif, analgésique et myorelaxant. Cette approche était acceptable, eu égard au type d’intervention chirurgicale.

C’est parce que le décubitus n’est pas intervenu suffisamment rapidement que l’anesthésie générale a été décidée inopinément, dans un but de contention. Elle a été efficace à une dose de 1 mg de kétamine par kg sur cet animal bien sédaté. 

Un surdosage a été invoqué pour expliquer cet EIG.

Il est certain que si un tel protocole, associant xylazine et kétamine, avait été initialement décidé, la dose de xylazine aurait pu être plus faible. Toutefois, elle était dans les limites autorisées. Il n’y a eu en vérité surdosage ni en xylazine ni en kétamine.

Ce qui a manqué en revanche à la réussite de l’intervention, c’est la surveillance constante de l’anesthésie générale et l’adaptation immédiate à l’apnée prolongée.

Il n’y a eu ici aucune surveillance de l’anesthésie, le praticien s’étant concentré sur son acte chirurgical, dès la fin de l’injection anesthésique intraveineuse. Nombre de praticiens considèrent avoir agi selon une bonne pratique, dès lors qu’ils ont administré "la bonne dose" ; or, plus qu’une question de dose, l’anesthésie générale nécessite une surveillance constante des paramètres cardiovasculaires et respiratoires et une adaptation permanente à la situation, ce qui en constitue certes une difficulté en pratique bovine rurale où le praticien agit seul pour tout faire à la fois.

Par ailleurs, il convient pour le praticien d’avoir présentes à l’esprit les trois composantes de l’anesthésie générale que sont :

  • la narcose, 
  • l’analgésie,
  • et la myorelaxation, auxquelles il convient d’ajouter la maîtrise des réactions neurovégétatives. 
     

L’anesthésiologie reste encore trop souvent le parent pauvre de la pratique buiatrique par insuffisance de formation initiale et/ou continue.

Propositions d'actions préventives

  • Formation initiale en anesthésiologie aujourd’hui bien réalisée dans les ENV françaises.
  • Formation continue en anesthésie bovine : de nombreuses formations sont disponibles. Il convient que les praticiens prennent conscience de la nécessité de bien comprendre ce qu’est une anesthésie générale chez un jeune bovin non sevré et d’en tenir compte dans leur pratique courante. 
  • D’abord l’anesthésie générale n’a plus depuis longtemps pour seule indication en pratique rurale la contention !
  • Sortir de la seule notion de dose anesthésique et de surdosage. Surveiller et monitorer. Ajuster en permanence.

Références 
Cassard H. – Anesthésie générale des bovins et des petits ruminants. Bull GTV n° 98, 2020
Holopherne D. – Anesthésie des bovins. Le Point Vétérinaire édit. Collection Carnet clinique, 2008

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